6.5. Les méthodes du consensus

Le but de ces méthodes est, soit d’explorer le champ de la connaissance des experts (but exploratoire), soit de mesurer (but évaluatif) et/ou de développer (but interventionnel) le consensus. Cette dernière perspective consiste à faire évoluer, quand c’est possible et « démocratiquement », l’opinion des membres d’un groupe de travail vers un consensus de groupe (experts et/ou représentants du public), en résolvant les éventuels désaccords observés.

Les méthodes de consensus décrites ici relèvent d’une approche systématique et structurée, incluant des procédures itératives (questionnaires et/ou réunions), rapides et peu coûteuses. Elles intègrent schématiquement les données empiriques disponibles ainsi que le jugement et l’expérience d’un panel de participants.

Le processus est caractérisé par une phase de vote sur une/des questions, dont l’intensité peut être quantifiée, permettant ainsi de produire des estimations quantitatives à partir d’une approche qualitative. Les commentaires des participants constituent un matériau qui peut être analysé selon une méthode qualitative, et constituer ainsi un apport à la connaissance

6.5.1. Le groupe nominal

Un groupe nominal regroupe de six à dix participants, « experts » de la question à traiter. Si plusieurs points de vue doivent être représentés, on constitue des groupes homogènes selon les critères de recrutement définis pour l’étude (par exemple, des groupes de patients et des groupes de professionnels). Le nombre de groupes doit être suffisant pour assurer la saturation du contenu et la représentation des différents points de vue complémentaires. Le fonctionnement du groupe est standardisé (tableau 2).

Tableau 2. Fonctionnement d’un groupe nominal

Etapes Méthode Objectifs
Énoncé de la question Règles de fonctionnement du groupe, lecture de la question Mise en situation
Réponses individuelles Écriture en silence Production d’un grand nombre de propositions
Énoncé des réponses Tours de table ; chacun donne une réponse à la fois Visualisation au tableau de l’ensemble de la production du groupe
Clarification Clarification du sens, regroupement des doublons, reformulation Formulation univoque par le groupe
Votes individuels Vote écrit et anonyme ; classement dégressif par points d’un nombre prédéfini de propositions (souvent 5) Hiérarchisation des propositions
Compilation des résultats Totaux des points et des votes sur les propositions Production du résultat et restitution aux participants

 

La rédaction de l’unique question demande un soin particulier pour susciter l’expression des participants sur toutes les facettes du problème qui intéressent le chercheur, et uniquement sur celles-ci. Un prétest de la question est utile. Les réponses ne doivent pas nécessairement être réalistes, dans la mesure où les sentiments, la subjectivité des avis sont également recherchés. L’ensemble de la procédure classique dure de 90 à 120 minutes (au maximum).

Exemple. La question « Que faire en priorité devant une fièvre chez l’enfant » est soumise à un groupe de jeunes parents et à un groupe de médecins. Les priorités des uns et des autres sont comparées et analysées. 

6.5.2. La méthode Delphi

Il s’agit d’une procédure itérative et interactive comportant deux à quatre tours, utilisant classiquement des questionnaires structurés auto-administrés, adressés aux participants par courrier (électronique). L’échantillonnage des participants permet de constituer un groupe d’experts représentatifs des connaissances et/ou des perceptions actuelles, relativement impartiaux mais intéressés et impliqués dans la problématique abordée. Ce groupe peut comporter des professionnels de santé de différentes disciplines médicales et paramédicales, des patients, des économistes, des juristes, etc. La taille du groupe varie entre 15 et 60 participants.

Exemple. Une procédure Delphi est lancée avec des médecins généralistes et des pédiatres pour déterminer ensemble la façon la plus adéquate de gérer les appels urgents pour fièvre chez l’enfant dans leur région. 

Le premier tour est ouvert et exploratoire. Il repose sur un questionnaire élaboré à partir de l’opinion des participants, d’une revue de la littérature, ou de l’opinion des organisateurs. Les questions peuvent porter sur la pertinence d’une action ou d’un outil mais aussi sur des aspects contingents comme sa faisabilité ou son acceptabilité. Les réponses sont données sur des échelles de Likert (p.ex. degré d’accord envers une proposition cotée entre 0 et 9) et/ou sous forme de commentaires libres. Entre chaque tour, les organisateurs analysent et synthétisent les (ré)évaluations des participants, et les incluent dans une nouvelle version du questionnaire.

À chaque tour, chaque membre reçoit les résultats agrégés du groupe (résultats quantitatifs et commentaires anonymisés des participants) et un rappel de sa propre réponse, et peut réévaluer son degré d’accord avec chaque assertion à la lumière de la confrontation de sa réponse avec celles de l’ensemble du groupe. La procédure Delphi est interrompue lorsqu’une convergence d’opinions est atteinte (consensus), ou en cas de stabilité des réponses entre deux tours.

Lecture suggérée

Letrilliart L, Vanmeerbeek M: A la recherche du consensus : quelle méthode utiliser ? Exercer 2011, 99:170-177.